La musique pendant les offices est l’une des différences les plus sensibles entre les offices libéraux et les offices orthodoxes. Le Rabbin Yann Boissière et la commission « affirmer notre identité » ont voulu partager leur approche de la prière juive dans un petit livret accessible au MJLF. Cet article en reprend des extraits. Merci à eux pour ce partage.
● La conscience de besoins spirituels nouveaux, au début du 19e siècle, a amené les premiers réformateurs à rénover les offices religieux dans le sens d’une esthétique propre à susciter l’émotion spirituelle : la musique, et tout particulièrement l’accompagnement des prières par l’orgue (et les chœurs) a été un facteur décisif dans ce renouvellement. Les juifs allemands, de ce point de vue, avaient clairement en tête le modèle des offices protestants.
● L’introduction de l’orgue déclencha la colère des opposants à toute réforme (dénommés plus tard « orthodoxes ») et suscita une abondante littérature, à la fois polémique et informée, sur la légitimité de cet accompagnement musical.
● Les opposants eurent notamment recours aux arguments suivants, d’ailleurs classiques dans la littérature halakhique : une personne juive ne pouvait jouer d’un instrument pendant Shabbath ou pendant les fêtes de peur que, si celui-ci était endommagé, elle n’en vienne à opérer une réparation, laquelle constituerait alors une violation de l’interdiction de travailler. L’interdiction biblique d’imiter la pratique des peuples idolâtres était également invoquée ; tout comme l’argument selon lequel la musique dans la liturgie synagogale était inconvenante depuis la destruction du Temple.
● Les réformateurs, de leur côté, alléguèrent qu’il n’existe plus de peuple idolâtre et qu’une inspiration empruntée à d’autres cultures, lorsqu’elle est mise au service d’un but noble, est tout à fait louable. D’autre part, la connaissance historique indique clairement que les Lévites jouaient de la musique dans le Temple, et qu’il avait été fait longtemps usage de l’orgue dans la synagogue de Prague (et ce, donc, bien après la destruction du Temple). Par ailleurs, un grand codificateur comme Moïse Isserlès (1530-1572) permettait un accompagnement musical dans le but d’observer un commandement – la prière étant un tel commandement.
● Enfin, les tenants de la Réforme argumentèrent que l’accompagnement musical (orgue ou autres instruments) avait pour vertu de provoquer hitoréroute ha-nefesh, « l’éveil de l’âme ». C’est sans doute